Cécile Charlap est docteure en sociologie et maîtresse de conférences à l'Université Toulouse Jean Jaurès, chercheuse au Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires (LISST), spécialiste de l'articulation genre et vieillissement, et plus particulièrement de la ménopause. Autrice de La fabrique de la ménopause (2019) et Idées reçues sur la ménopause (2022), elle est intervenue pour MGEN à notre première conférence en ligne sur la sociologie de la ménopause en janvier 2024.
Après une première enquête sur la ménopause en 2010-2012, elle a initié une seconde enquête qui s’est déroulée du 29 mars au 3 juin 2024 par le biais d’un questionnaire en ligne. Cette enquête avait pour but de saisir les représentations, expériences et pratiques liées à la ménopause aujourd’hui. Plusieurs centaines de nos adhérentes, enseignantes et professeures des écoles, ont participé à cette enquête.
L’enquête comportait 45 questions construites autour de 6 modules qui exploraient des thèmes différents :
- « L’expérience globale de la ménopause »,
- « Ménopause et santé »,
- « Ménopause et vie quotidienne »,
- « Ménopause en société »,
- « Information sur la ménopause »
- « Ménopause et travail ».
Les résultats
Ce questionnaire a été complété par 1 837 femmes. Les classes d’âge sont constituées comme suit :
18-35 ans : 11,4% 36-45 ans : 10,9%
46-55 ans : 46,1% 56-65 ans : 23,7% 66 ans et plus : 7,9%.
15,7 % des répondantes ont un niveau inférieur ou égal au bac, 30,2 % ont un niveau bac+2 à bac+3 et 54,1 % ont un niveau supérieur à bac +3.
On trouve parmi les répondantes 54,9% de cadres, 13,7% de professions intermédiaires, 19,5% d’ouvrières et employées, 9,3% d’inactives (retraitées, étudiantes) et 2,6% de femmes artisans, commerçantes, cheffes d’entreprise.
Les enseignements du module « Ménopause et travail »
L’ampleur de la pénibilité
Plus de la moitié des répondantes déclare avoir des difficultés professionnelles liées à la ménopause et un tiers d’entre elles en cachent les effets au travail.
La ménopause est un phénomène universel qui pour autant, en milieu de travail, est rarement abordé. En ressentir des difficultés au travail est assez fréquent et pourrait toutefois être évité.
« Le monde du travail nous oblige à être en forme alors que ce changement implique des insomnies et une grande fatigue » (50 ans, profession libérale).
« Ça a été un problème au travail car les symptômes ont un impact : bouffées de chaleurs, brouillard mental ou trous de mémoires… » (53 ans, cadre)
« La fatigue, une émotivité exacerbée, des difficultés de concentration, d'organisation… Je me sens épuisée, je ressens des difficultés à me concentrer. C'est très handicapant. Je suis prof et j'ai besoin de mon cerveau pour travailler efficacement » (53 ans, enseignante)
La culture du silence
Les répondantes qui ressentent des manifestations de la ménopause au travail sont plus nombreuses à ne pas en parler avec l’entourage professionnel.
« Les femmes n'en parlent pas au travail alors qu'elles doivent trouver des solutions d'adaptation et que cela complique leur quotidien professionnel » (54 ans, cadre)
« Il est très difficile d'en parler et de faire reconnaître la souffrance et la difficulté de gérer le ressenti dans le monde professionnel. » (52 ans, cadre)
« J’ai dû souffrir en silence au travail, par honte d'en parler » (53 ans, cadre).
Or, quand une femme a des difficultés au travail du fait de manifestations liées à la ménopause, elle devrait pouvoir aborder cette question dans des espaces de discussion dédiés en milieu de travail et trouver du soutien. Comprendre la ménopause et communiquer ouvertement peut être une première étape importante. Une fois qu’en parler au travail est possible et devient l'affaire de toutes et de tous, alors des mesures d’adaptations peuvent ensuite être mises en place.
L’enquête a été diffusée sur les réseaux sociaux numériques (comptes Instagram et pages Facebook de groupes privés dédiés à la ménopause ou consacrés à la retraite ou encore de professionnels du secteur médico-social), dans les pharmacies et médiathèques de Toulouse, dans la newsletter de MGEN, par voie de courriels adressés à des syndicats professionnels et associations de professionnels de santé et métiers féminisés (secrétaires médicales, AESH, personnel de ménage, coiffure, esthétique) ainsi qu’ à des associations et collectifs féministes.